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La nationalité française, comme celle de tous les pays de l’Union européenne, pourra-t-elle devenir un bien de consommation que chacun pourra acheter ? A cette question, la Cour de justice de l’Union européenne s’apprête peut-être à répondre oui. Car, saisie par la Commission européenne d’un recours contre Malte – qui, depuis 2014, vend sa nationalité et donc, avec elle, la citoyenneté européenne pour un peu moins de 1 million d’euros –, elle est invitée, le 4 octobre, par son avocat général Anthony Collins à laisser faire.
Cela ne préjuge pas de la décision finale de la Cour. Mais cela donne une tendance, car les conclusions de l’avocat général sont le plus souvent suivies par les juges européens. Pour Anthony Collins, Malte peut bien vendre sa nationalité car rien ne contraint les Etats membres dans les règles relatives à l’octroi de leur nationalité. A contrario, et à juste titre, la Commission et le Parlement européen voient dans la vente de la citoyenneté européenne un procédé illégitime.
Car il faut être clair : en vendant la nationalité maltaise, le gouvernement de La Valette vend, en réalité, l’accès aux autres Etats membres de l’Union européenne (UE). Un riche Russe, Chinois ou Emirati souhaite-t-il acheter la nationalité de Malte pour s’y installer ? Il ne s’y installe certainement pas. Cet achat est un moyen d’accéder à la citoyenneté de l’UE, que possèdent tous les ressortissants des Etats membres et qui donne droit à la libre circulation et à la libre installation sur tout le territoire de l’Union, ainsi que des droits politiques aux élections locales et européennes.
Malte vend ce sésame à prix d’or, en monnayant ce qu’elle ne possède pas, afin de permettre à des individus d’abuser de la citoyenneté européenne. Cette déloyauté forme l’argument principal de la Commission devant la Cour, articulé autour de la violation du principe de coopération loyale prévu par l’article 4 du Traité sur l’Union européenne.
Mais il y a plus. La nationalité est une composante fondamentale de la dignité de chaque être humain. Depuis la seconde guerre mondiale et la privation massive de la nationalité employée par l’Etat nazi comme prélude à la persécution et à l’extermination, Hannah Arendt a bien démontré à quel point la nationalité était capitale : elle est l’instrument juridique qui permet à chacun, par l’« appartenance » à un Etat, de garantir une personnalité juridique, condition sur laquelle repose toute protection.
Les juges de la Cour suprême des Etats-Unis écriront en ce sens, dans l’arrêt Trop vs Dulles rendu en 1958, que la perte de la nationalité provoquant l’apatridie était une forme de sanction « plus primitive encore que la torture, car elle détruit l’existence politique de la personne ». En outre, la Cour américaine jugeait que la nationalité était « le droit d’avoir des droits », c’est-à-dire le support nécessaire sans lequel les autres droits ne peuvent s’épanouir.
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